
C’est un 13 Octobre 1909 que mourait fusillé au pied du château de Montjuïc à Barcelone Francisco Ferrer Guardia, fondateur de l’École Moderne et pionnier du rationalisme dans l’éducation espagnole.
Ferrer fonda une école mixte, pour promouvoir l’égalité des sexes; une école rationaliste, basée sur les vérités de la science; une école laïque (et même anticléricale), à une époque où l’Eglise catholique avait le quasi-monopole de l’éducation en Espagne; une école sociale, où chacun payait ce qu’il pouvait; une toute nouvelle école avec de nouvelles méthodes, avec ses propres livres et revues publiés par sa propre maison d’édition, une école sans examens! Quelque chose de révolutionnaire, impensable à l’époque, quelque chose qui a dû paraître à beaucoup extrêmement dangereux et qui a malheureusement fini par coûter la vie à son fondateur.
Plus de cent ans plus tard, cette carte postale belge nous parle encore de Francisco Ferrer et de comment son exécution a provoqué un peu partout dans le monde un tollé général contre le gouvernement espagnol de l’époque.
Ce n’est pas un hasard si l’auteur de cette carte postale a représenté l’officier, qui donne l’ordre au peloton d’exécution, se tournant vers le public pour qu’on puisse contempler son visage, qui n’est autre que celui du roi Alphonse XIII.
Pour l’anecdote, il faut se rappeler qu’Alphone XIII fut le mécène du premier cinéma porno en Espagne. Beaucoup moins anecdotique fut son soutien à la dictature de Primo de Rivera ou le fait que durant son règne, on utilisa des armes chimiques pendant la guerre du Rif. Mais ce fut l’exécution de Francisco Ferrer qui attira au grand-père de Juan Carlos I de nombreux ennemis partout dans le monde et qui provoqua une grande agitation.
En guise d’exemple, cet article du Chicago Tribune, où les élus socialistes locaux traitent le monarque espagnol d’imbécile et le clergé de corrompu:

Pour en revenir à la carte postale, celle-ci fut publiée à Bruxelles, l’épicentre de cette vague de protestations, et rappelle que Ferrer est mort « Victime de la réaction cléricale » et que l’émoi suscité fut mondial et monumental.
Monumental est sans aucun doute le mot juste puisqu’à Bruxelles on ne tarda pas à ériger, en 1911, un monument en son honneur, représentant un homme nu levant une torche vers le ciel, symbole de l’éducation rationaliste. L’histoire de cette statue et les trépignements d’indignation du monarque espagnol, méritent un chapitre à part. Notons toutefois qu’en 1972 la torche est devenue le symbole du mouvement laïc en Belgique.
Aujourd’hui, la statue se trouve juste en face de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), dont la devise est «La science vainc les ténèbres» et dont l’emblème représente précisément deux torches croisées. Il s’agit d’une université « libre » car elle promeut la libre-pensée laïque défendue par Ferrer. L’ULB fut d’ailleurs créée en 1834 en réaction à la création de l’Université Catholique de Malines qui prendrait quelques années plus tard le nom la très ancienne Université Catholique de Louvain. C’est dans cette dernière université qu’un certain Felipe González étudia pendant un an et fut nommé docteur honoris causa.

Un dernier fait curieux à noter au sujet de cette carte postale concerne la légende sous la photo qui mentionne «13 Octobre 19 », comme si l’éditeur n’était plus tout à fait sûr de la date d’exécution de Ferrer et l’avait laissée en blanc avec l’idée de l’ajouter plus tard. On peut constater cette absence de mention d’année sur d’autres exemplaires de la même carte postale.
Pour en savoir plus sur l’histoire de Francisco Ferrer et de l’École Moderne, on pourra regarder cet excellent documentaire en espagnol:
Vive l’École Moderne!
Traduit par Florence Dangotte